QFFC | Alessandro Mercuri

ALESSANDSRO MERCURI |

Alessandro Mercuri est l’auteur iconoclaste d’un trident indispensable : Kafka-Cola – sans pitié ni sucre ajouté, Peeping Tom et Le dossier Alvin publié l’année dernière chez art&fiction, une maison dont il va falloir sérieusement fouiller le catalogue. Le monsieur a étudié le cinéma en Californie et la philosophie en France. Il a réalisé des documentaires et des vidéos clips. Lancé ParisLike avec Haijun Park. Lui-même possède un nom qui sent l’aventure et la vitesse. Alessandro Mercuri fait les choses comme il faut semble-t-il. Il a d’ailleurs accepté de répondre à nos questions.


Quel livre êtes-vous en train de lire  ?
Art Forgery (The History of a Modern Obsession) de Thierry Lenain. Il est frappant de voir qu’un ouvrage d’une telle qualité écrit par un auteur de langue française soit publié directement en langue anglaise par la University of Chicago Press. Doit-on y voir un symbole de l’exceptionnelle exception culturelle française ?

Quel est votre premier souvenir, votre première émotion littéraire ?
Une version des Argonautiques pour enfant, illustrée de gravures. Comme le disait si justement W, l’ancien président Bush : « One of the great things about books is sometimes there are some fantastic pictures.”

Suggérez-moi la lecture d’un livre dont je n’ai sans doute jamais entendu parlé ?
Les Néréides d’Eschyle. Vous en avez peut-être entendu parlé mais vous ne l’avez pas lu. L’œuvre a disparu. Il faudrait sans doute écrire une Histoire de la littérature perdue.

Quels auteurs avez-vous honte de ne jamais avoir lu ?
Je suis résolument contre l’autoflagellation en public.

Quel livre auriez-vous aimé écrire ?
L’Éloge de la Folie.

Le pire roman jamais lu ?
À question méchante, réponse malveillante. Le pire roman jamais lu ? Je préfère attendre qu’Onfray l’écrive.

Le meilleur adapté à l’écran ?
Le Guépard de Lampedusa adapté par Visconti, les Lolitas de Nabokov et Kubrick ou encore Le Château de l’araignée de Kurosawa adaptant Macbeth, me viennent à l’esprit. Bien que la question soit : “Le meilleur [roman] adapté à l’écran ?”, je ne peux m’empêcher de lire : “La meilleure adaptation de roman ?” ou encore “Une meilleure adaptation que le roman ?”. Je citerais alors D’entre les morts de Boileau-Narcejac. Hitchcock en a fait Vertigo. Boileau-Narcejac l’auraient écrit, parait-il, en espérant qu’Hitchcock s’en saisisse et l’adapte. La transformation D’entre les morts en Sueurs froides révèle-t-elle un désir de novellisation par anticipation ?

Quelle est votre phrase d’ouverture préférée ?
Pendant sa grossesse, un rêve qu’elle fit troubla tant ma mère que son mari, fatigué de ses plaintes, alla consulter un voyant des Highlands qui ne voulut rien savoir pour ce qui est de donner du rêve une traduction favorable, encore qu’on eût tenté de lui graisser la patte auparavant.
Mais les trois phrases suivantes sont encore plus troublantes :
Elle avait rêvé qu’elle accouchait d’une balle de tennis. C’est le diable qui faisait la sage-femme, chose bien suprenante. Et il avait tapé si fort de la raquette qu’en un instant ladite balle avait disparu. Tout un temps, ma mère fut inconsolable de la perte de son marmot, quand, tout soudain, elle le vit revenir avec la même célérité qu’il était parti, trouer le sol sous ses pieds et en ressortir sous la forme d’un arbre gracieusement fleuri dont le parfum secoua si fort ses nerfs qu’elle s’éveilla.”
Il s’agit de l’ouverture de Roderick Random de Tobias Smollett (The Adventures of Roderick Random — traduction de José-André Lacour).

Quel est votre premier lecteur ?
Ma compagne.

Enfant, quel métier vouliez-vous faire ?
Archéologue.

Que ferez-vous lorsqu’il n’y aura plus de lecteurs ?
Est-ce le pitch d’un épisode de La Quatrième DimensionThe Twilight Zone ? Imaginons qu’un jour les livres puissent être directement téléchargés dans le cerveau et que le lecteur en vienne, non plus à lire mais à vivre intégralement le roman, à l’intérieur du roman, dans le roman. En ce meilleur des mondes possibles, l’humanité alors d’une seule voix, pourra s’écrier : “Je suis Don Quichotte.”