John Barth | Lost in the funhouse

Retour dans le labyrinthe |

Sans être un recueil de nouvelles, il est composé de quatorze textes. Sans être un roman, il doit se lire comme un tout. Sans être une œuvre théorique, il est rempli de considérations sur l’art du conteur. Lost in the funhouse est un dédale, un labyrinthe où se perdre est souhaitable, puisque l’on s’y amuse en permanence.

Selon Barth, les écrivains sont généralement soit des sprinteurs, soit des marathoniens. Lui-même se classe dans la seconde catégorie. En tant que lecteur, j’avoue trouver rarement du plaisir à la lecture de nouvelles — celles de Cortázar étant une exception parmi quelques rares autres. C’est donc avec quelque appréhension que je me suis lancé dans ce livre qui a la réputation d’être particulièrement ardu.

Comme souvent, la différence entre ce que l’on en a dit et ce qu’il en est réellement est grande. Certes, quarante ans après la première publication, certaines interrogations ou certains éléments stylistiques peuvent paraître désuets. Il n’en reste pas moins une œuvre de fiction puissante et une réflexion extrêmement riche et fertile, qui touchera l’amateur d’imagination débridée et de jeux littéraires, sans que son background académique importe outre mesure.

En opérant un fameux raccourci, je dirais que les sept premières histoires de Lost in the funhouse sont plutôt d’ordre domestique, avec, dans plusieurs d’entre elles, un personnage récurrent nommé Ambrose que l’on suit de la conception à l’adolescence, période au cours de laquelle il construit son identité, sa propre mythologie. Et c’est justement principalement de mythologie dont il est question dans la seconde moitié, mais vue peut-être comme une suite d’imbroglios conjugaux.

Signalons de manière totalement arbitraire trois des pièces reprises dans le livre. Tout d’abord, celle qui donne son titre à l’ouvrage. Sous les atours d’une banale visite familiale à un parc d’attraction un après-midi de quatre juillet, se dissimule en fait un récit autobiographique où John Barth s’interroge sur le fonctionnement de la narration et fait part de sa « révélation » : « He will construct funhouses for others and be their secret operator— though he would rather be among the lovers for whom funhouses are designed. »

« Menelaiad » est un récit remarquable où Menelaus conte de façon möbienne — si cela veut dire quelque chose — sa relation avec Hélène, son amour, son mariage, la guerre de Troie, le retour de la guerre, la vie conjugale. Texte en poupée russe, Menelaus se raconte à divers époques, se raconte racontant, se raconte se racontant racontant, etc…

Enfin, Barth conclut son volume avec « Anonymiad », l’histoire d’un ménestrel abandonné sur une île déserte, et qui ressasse toutes les formes narratives imaginables avant d’être certain de les avoir épuisées. C’est alors qu’il ramasse une bouteille jetée à la mer et y découvre un message qui va lui redonner foi en la capacité créatrice. C’est un message d’amour de Barth à son art : le recyclage postmoderne n’écarte pas l’originalité, ne prononce pas la mort de la créativité, n’implique pas le refus de la communication et le replis dans ses propres jeux.

Lost in the funhouse n’est certainement pas la cup of tea de tout le monde. Il y a pourtant de nombreuses perles à y trouver, et c’est une lecture indispensable à tous ceux qui s’intéressent à ce qui s’est passé en littérature dans les années 60, mais aussi à ceux pour qui le langage et le récit sont les choses qui font que la vie mérite d’être vécue.


John Barth | Lost in the funhouse
Doubleday | 1968 | 200 p.