… David Foster Wallace|
On ne perdra rien à dire que David Foster Wallace était quelqu’un d’excessif. Excessif (un temps) dans sa manière de vivre (alcool, télévision, fumette), d’aimer, de ressentir, excessif dans sa manière bien à lui de déplier le monde. Excessif jusque dans sa manière d’en finir (On trouve ça à la page 146 du Livre des violences de Vollmann : « La Hemlock Society (fondée en 1980, militait pour le droit de mourir dans la dignité, notamment pour les malades en phase terminale) dans son manuel sur le suicide, remarque que les gens « qui se sont pendus l’ont souvent fait à titre de vengeance contre quelqu’un d’autre, car le choc de découvrir quelqu’un ainsi étranglé est l’une des pires expériences qui puisse être infligée à un être humain par un autre. » C’est sa femme qui est tombée sur le corps). David Foster Wallace était obsédé par le concept d’excès et, pourrait-on ajouter, excessif dans ses obsessions.
C’était OH ! un lecteur obsessionnel qui a désossé tout ce qui lui est passé entre les mains. Pour ses propres intérêts j’entends. On sait aujourd’hui que sa manie des notes avait aussi envahie le domaine de ses nombreuses lectures. Dans un programme d’écriture auquel il a participé pendant ses années d’études il s’est retrouvé confronté à la vielle garde MFA pour qui la nouvelle et le roman devaient toujours éviter « tout élément permettant de les dater » car « la littérature sérieuse doit être Intemporelle » et DFW poursuit : « Quand nous avons protesté que dans son oeuvre, passablement célèbre, les personnages se mouvaient dans des pièces éclairées à l’électricité, conduisaient des automobiles, ne parlaient pas l’anglo-saxon mais l’anglais d’après-guerre et habitaient une Amérique du Nord déjà désolidarisée de l’Afrique par la dérive des continents, il a amendé sa proscription avec impatience, la restreignant aux indices explicites qui situeraient l’histoire dans le « futile Maintenant ». Devant notre insistance à savoir ce qui, au juste, évoquait ce « f.M. », il a répondu qu’il parlait, bien sûr, des références « populo-médiatiques en vogue ». Et c’est là, à ce moment précis, que le dialogue transgénérationnel s’est rompu. Nous avons posé sur lui un regard vide. Nous avons gratté nos petites têtes. Nous ne saisissions pas. Simplement, ce type et ses étudiants avaient des conceptions différentes du monde « sérieux ». Le sien, dans une Intemporalité agrémentée du moteur à explosion et le nôtre, sous le sceau de MTV, n’étaient pas les mêmes. ». Les postmodernes dont il est (et s’est voulu) un héritier flamboyant ont été parmi ses premières lectures « marquantes » et sans doute que la découverte de Pynchon, grand auteur « populo-médiatiques en vogue », ne fit que renforcer ce hiatus intergénérationnel. Mark Costello, un camarade de chambrée à Amherst, se souvient du jour où Wallace a découvert le Pynch’: « Pour Dave, c’était comme Bob Dylan trouvant Woody Guthrie. » Puis, il y a eu The Balloon, la nouvelle de Barthelme, Lost in the funhouse, le manuel POMO de Barth et surtout Don DeLillo (White Noise !) qui restera jusqu’à la fin une sorte de confident lointain.
Avec le temps, ses influences changèrent en même temps que ses objectifs. En 1991 (c’est plutôt précis, ouais) Wallace relu Vineland et découvrit que l’auteur qui l’avait le plus captivé lorsqu’il était un jeune écrivain ne l’impressionnait plus. Mouais. Admettons. La nouvelle maturité littéraire de Wallace l’amena à se tourner vers des auteurs comme Hart Crane , Edith Warton ou encore… Cynthia Ozick ce qui, quand on connait les acrobaties de l’un et la sévérité ariiide de l’autre, laisse rêveur. Enfin, peut-être pas autant que la liste de ce qu’il considérait comme étant les dix meilleurs livres jamais écrits au monde :
- La tactique du diable de C. S. Lewis
- Le fléau de Stephen King
- Dragon rouge de Thomas Harris
- La ligne rouge de James Jones
- Le complexe d’Icare d’Erica Jong
- Le silence des agneaux de Thomas Harris
- En terre étrangère de Robert A. Heinlein
- La rousse d’Ed McBain
- Alligator de Shelley Katz
- La somme de toutes les peurs de Tom Clancy
La somme de toutes les peurs ?!? Vraiment ? Foutues nineties.
Sources :
Max D.T. | Every Love Story is a Ghost Story : A Life of David Foster Wallace | Viking | 2012
Sarah Stodola | Process : The Writing Life of Great Authors | Amazon Publishing | 2015
J. Peder Zane dir. | The Top Ten: Writers Pick Their Favorite Books | Norton | 2007
Je suis pas sur que ce soit son Top10, il me semble plutot que c’est son "syllabus" pour le cours qu’il donnait a l’Universite.
D’après Zane et son giga méga questionnaire il s’agit bien des 10 livres "préférés" de Wallace. Sur les 125 auteurs interrogés, sa liste se démarque assez bien du consensus qui ressemble plutôt à :
1. Anna Karenine
2. Madame Bovary
3. Guerre et paix
4. Lolita
5. Hucleberry Finn
6. Hamlet
7. Gatsby
8. À la recherche du temps perdu
9. Nouvelles de Tchekhov
10. Middlemarch
Mouais c’est qui Zane?
Sinon un article intéressant sur tous les livres que Wallace a recommandé/apprécié/loué:
http://htmlgiant.com/author-spotlight/dfw-praise-compendium/
Éditeur chez Norton et journaliste à l’Observer. Sinon, c’est le type qui a écrit le bouquin dont il est fait mention à la fin de l’article…
Merci pour le lien.